Le ciel était d'un bleu à la fois majestueux et serein, le soleil d'un éclat aussi vif que le cœur d'une étoile, tel l'astre qu'il est réellement brille pour nous léguer sa chaleur. Les montagnes se découpaient, abruptes, rocheuses, jalonnées d'herbes, de fleurs discrètes, d'une terre ocre comme l'argile des poteries que les Algériennes façonnaient de leurs mains. Nous marchions dans ces montagnes de Djurjura, nous grimpions, nous admirions, et cet instant d'éternité n'avait pas de fin...
C'est un souvenir magique que je garde de mes pérégrinations d'un jour dans les montagnes de la Kabylie. Est-ce pour cela que je me sens à ce point touchée par le drame qui vient de s'y dérouler ? La mort tragique d'Hervé Gourdel, ce mercredi 24 septembre 2014, un guide de haute montagne décapité au simple motif qu'il était Français, sous les mains des islamistes se réclamant de l'EIIL (l'Etat islamique en Irak et au Levant), mouvement qui, en Algérie, a recyclé les islamistes du GIA (Groupement islamique armé) puis du GSPC (groupement salafiste pour la prédication et le combat). Je ne puis dire si Hervé Gourdel brille aujourd'hui, telle une nouvelle étoile, dans le cœur du Royaume de Dieu, car la mort reste le plus grand des mystères et le prophète Jésus venu annoncer la Résurrection des hommes il y a plus de deux mille ans n'est pas parvenu encore à me convaincre de cette nouvelle vie qui nous serait promise après la mort. Je crois pourtant en Dieu, du moins je crois que je crois. Je puis assurer en tout cas qu'une force m'aide à avancer sur le chemin, une force mystérieuse que je prie parfois et que j'appelle Dieu. C'est au nom de ce Dieu qui est Amour que les islamistes tuent, en dépit de l'appel à la paix que prônent toutes les religions et l'islam en particulier. Emmanuel Carrère dans son livre publié récemment, Le Royaume, fait la distinction entre la religio, qui relie les hommes au travers des rites, et la superstitio, qui les sépare au nom de croyances erronées. L'islam, comme le christianisme, le judaïsme et même, en élargissant, la vie laïque, sont des religio, l'islamisme, et ses plus fidèles alliés que sont l'obscurantisme et le fanatisme, sont des superstitio.
Ô combien atroce est cette mort d'un des rares Français à s'aventurer en touriste en Algérie, elle n'exclut pas d'évoquer toutes les autres, sans visage et sans nom, qui chaque jour ou presque sont perpétrées au nom du fanatisme dans tout ou partie du globe. Celles-là n'ont pas un tel écho, et sont pourtant elles aussi terrifiantes, celles-là qui touchent des enfants, palestiniens sous le joug d'Israël, migrants africains naufragés qui se croyaient des hommes mais ne sont plus que des nombres, des nombres d'âmes noyées qui n'aboutiront jamais au paradis rêvé. Et même si le visage d'une petite fille rescapée irradie l'écran de télévision au journal de 20 heures, on ne peut oublier qu'elle a perdu mère et sœur tragiquement dans le naufrage, on ne peut oublier tous les autres, tous ceux qui sont morts en tentant d'atteindre l'eldorado européen.
La terre promise ? Quelle terre promise ? Celle qui fait croire qu'elle est terre d'asile quand si peu de chrétiens irakiens persécutés sur leur terre obtiennent un visa pour la rejoindre ? Je suis attristé, ce soir. Je suis en colère. La bienveillance entre les hommes, l'accueil de l'autre tel qu'il est, dans toutes ses dimensions et ses richesses, l'amitié entre les peuples est ma religion. Et aujourd'hui, je n'entends que massacres et haine, douleur d'un monde qui crie pour qu'on vienne à sa rescousse, d'une planète qui va dans le mur si on ne change rien à nos modes de consommation d'énergie et au pillage de ses ressources naturelles. Pourtant, au sommet de l'ONU qui devait traiter de la planète, la question environnementale est encore passée au second plan.
Aujourd'hui, j'ai une pensée pour ceux qui ont perdu un proche en la personne d'Hervé Gourdel. J'aimerais aussi que tous nous ayons une pensée pour ceux qui ferons vivre la planète de demain, nos enfants, qui nous font vivre et nous donnent une raison d'espérer, une foi dans la vie et font notre bonheur. Quel monde allons-nous leur offrir ? Ne pouvons-nous pas changer enfin de paradigme pour entrer dans celui du bien-vivre ensemble ? Je l'appelle de tous mes vœux. Chacun peut y apporter sa petite pierre. Mises bout à bout, nos petites lueurs éclaireront d'une lumière renouvelée notre océan de monde qui ne demande qu'à aimer. Mais qui, pourtant, continue à tuer des innocents. Que la lumière que fut leur vie brille éternellement.
Agnès Bourahla-Farine
École et société