Livre à la mémoire d'un juste Edmond Durand qui fut membre de la Paroisse universitaire, ancêtre de Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP) pendant toute sa carrière
Le 8 septembre 1999, l’Institut Yad Vashem pour la mémoire de la Shoah annonce officiellement l’attribution de la médaille des Justes parmi les nations à François Houpe et Edmond Durand. Cette médaille est remise à Edmond Durand le 2 mai 2000 à Paris, à l’hôtel de Lassay par l’ambassadeur d’Israël en France, celle de François Houpe est décernée à titre posthume et c’est la ville de Castres dont il fut maire, qui en est dépositaire.
Ce récit, "Tu leur diras que... Le sauvetage de juifs, 1943-1944", aux Éditions La Geste-Nouvelles sources (2024), est écrit par Yves Durand, le fils d’Edmond. C’est d’abord un témoignage, celui d'un fils à la mémoire de son père, c’est aussi la transmission de ce qui s'est produit pendant la Shoah, le sauvetage de juifs au cœur de ces années terribles de la seconde guerre mondiale.
Comme le dit l’auteur dans son avant-propos "Enfants, mon frère, mes sœurs et moi avons souvent entendu notre père nous parler des "petits juifs" de Castres." Qui sont donc ces "petits juifs" ?
La première partie présente les faits : nous sommes à Castres, département du Tarn, au sud de la France et précisément dans le collège moderne et technique.
Octobre 1943, c’est la rentrée ; à cette date, il n’y a plus de zone libre, toute la France est occupée. Les manuels d’histoire présentent la période fin 1942 - début 1943 comme le tournant de la guerre. Certes, les Alliés sont désormais à l’offensive mais les occupants ne relâchent pas pour autant la pression : arrestations, exécutions et déportations continuent.
C’est dans ce contexte que le directeur du collège, François Houpe, annonce à son jeune adjoint l’arrivée de douze jeunes juifs, "Tu diras que ce sont des réfugiés alsaciens". Le jeune adjoint, c’est Edmond Durand, originaire du village de Dourgne, d’abord élève dans ce collège alors Ecole primaire supérieure. Il y revient comme jeune professeur à la rentrée de 1942, après avoir fait ses études à Toulouse, à l’école normale d’instituteurs, puis à la faculté pour une licence d’Histoire et Géographie. Depuis la scolarité d’Edmond, les deux hommes se connaissent bien, il y a entre eux l’admiration du cadet pour son aîné, et une confiance réciproque.
Sur la douzaine de jeunes réfugiés, l’auteur en présente quatre, Georges, Bernard, Daniel et Fred, ceux que son père aura la joie de retrouver en 2000, les "petits juifs" devenus septuagénaires. En 1943, ils sont âgés de 12 à 17 ans, portent une identité d’emprunt mais sont présents sur la photo de classe de l’année 1943-1944, "se montrer pour mieux passer inaperçu!" (page 36).
Chacun, sous sa véritable identité, fait ensuite l’objet d’un chapitre retraçant son parcours de vie, particulièrement les épreuves par lesquelles il est passé.
L’auteur réfléchit sur les risques pris par les deux adultes, risque de bavardage, de dénonciation. Edmond Durand, plus tard, a ainsi commenté, "il s’agissait de faire simplement des choses simples dans des circonstances qui n’étaient pas simples", (page 102). Yves Durand consacre quelques pages à l’éducation humaniste et chrétienne reçue par son père, à l’école publique et dans sa propre famille.
La troisième partie, intitulée "Une vie après Castres", puis la quatrième s’intéressent au devenir des quatre jeunes, les maquis ou l’armée de Lattre, la Palestine ou Paris, la photo ou la musique… jusqu’aux retrouvailles de mai 2000. C’est alors l’occasion de très beaux témoignages. L’auteur associe la mémoire de sa mère, Raymonde, très active pour aider Edmond à retrouver la trace de ses anciens protégés.
Il revient sur la transmission. À plusieurs reprises dans l’ouvrage, il a montré les chaînes de solidarité mises en place pour sauver ces enfants, le château de Chabannes, la maison des éclaireurs israélites de France à Moissac, mais aussi Dourgne, chez la mère et la grand-mère d’Edmond qui ont hébergé le jeune Georges quand le collège a dû fermer début juin 1944, et cela jusqu’en octobre.
C’est le livre d’un fils à la mémoire de son père, c’est aussi un livre bien documenté, appuyé sur de nombreuses références, à la fois d’ordre familial et d’ordre officiel. C’est un livre qui reste accessible, qui peut sans doute être étudié par les élèves des classes concernées, au collège comme au lycée.
Edmond Durand fut membre de la Paroisse universitaire, ancêtre de Chrétiens dans l’Enseignement Public pendant toute sa carrière. Il était aussi très impliqué dans les amitiés judéo-chrétiennes.
Jacqueline Xhaard-Bourdais
En 1999-2000, Edmond Durand (à gauche) avait retrouvé quatre des anciens collégiens juifs. Ici avec Simha Arom qu’Edmond Durand avait accueilli dans son village natal du Tarn, Dourgne. Photo YD