CDEP
Chrétiens dans
l'enseignement public

Une synthèse des textes reçus

Publié le

La vocation et la mission de la famille dans l'Église et dans le monde contemporain, synode des évêques, octobre 2014, octobre 2015Essai de synthèse à partir de différentes contributions d'équipes CdEP (Union Parisienne, Ardennes, Marseille, Lyon, Tours, Sud-Est, Angers, Lorraine)

 

 

A l'automne dernier, on a constaté un peu partout, l'intérêt suscité par le synode des évêques, dont le sujet est la vocation et la mission de la famille dans l'Église et dans le monde contemporain. Les articles dans la presse ont été nombreux, du fait des thèmes abordés et aussi du fait que les lignes semblaient bouger au Vatican. Mouvements et associations d'Église, de même que paroisses et diocèses se sont emparés du sujet. Plusieurs équipes CdEP (Chrétiens dans l'enseignement Public) y ont consacré une ou plusieurs réunions d'équipe, et ont produit quelques textes dont les pages ci-dessous essaient d'être une synthèse.

            Reprenons l'intitulé de ce synode : la vocation et la mission de la famille dans l'Église et dans le monde contemporain. La famille ou les familles? La famille n'a pas toujours été celle que nous connaissons aujourd'hui, à savoir le modèle occidental, les parents et leurs enfants, famille dite nucléaire. Sans remonter aux familles élargies d'autrefois où cohabitaient sous le même toit trois générations, il faut insister aujourd'hui sur la diversité des familles : à côté de la famille classique, la cohabitation, juvénile ou non, les familles recomposées, avec peu ou beaucoup d'enfants, les familles monoparentales ou encore les familles homosexuelles. Ces familles connaissent aussi des conditions de vie bien différentes, qui influent sur leurs relations avec leurs enfants. Si tout le monde a une famille, n'oublions pas les personnes célibataires, veufs, veuves, séparé(e)s, divorcé(e)s non remarié(e)s, toutes personnes dont le document synodal, sans complètement les oublier, ne .développe sans doute pas suffisamment le rôle.

Enfin, une autre acception peut être donnée à ce mot famille, c'est la famille que constitue notre équipe de base, et aussi notre association. Certains appartiennent à leur équipe depuis tant d'années qu'elle leur est devenue une seconde famille.

            Nous tous aujourd'hui, vivons dans un monde qui est "difficile, mais c'est ce monde qui nous est donné par grâce, et que nous avons à affronter, comprendre et évangéliser". D'autre part, l'Église nous demande "une attitude d'écoute du monde, sans juger". Nous allons fréquemment retrouver ce constat, dans les différentes contributions qui nous sont parvenues : constat lié à deux thèmes principaux très présents, à savoir la notion de différence, qui se décline de différentes façons, et la notion de transmission.

            La différence la plus importante, évoquée par toutes les contributions, est celle qui apparaît entre la vision de l'Église quant à " la vocation et la mission de la famille" et les réalités vécues sur le terrain.

            Passons à quelques exemples précis, développés dans les textes envoyés.

            Tout d'abord la question des divorcés-remariés. Pour le groupe de l'Union Parisienne : "Les divorcés-remariés sont privés des sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation, indépendamment de leur itinéraire personnel, de leur histoire, de leur souffrance. Autant on peut admettre qu'il n'y ait pas de remariage sacramentel, autant il est difficile d'admettre cette exclusion de l'Eucharistie et de la Réconciliation. C'est la nature même du sacrement qui est questionnée : est-il réservé à une élite? Qui est digne du sacrement, ne sommes-nous pas au même point devant le sacrement?"

            Le groupe ardennais, sur cette même question :"celui qui vit un échec de couple doit surtout être réconforté par ses frères chrétiens afin qu'on n'ajoute pas du malheur au malheur"

 

            Une autre contribution, de Lyon, fait référence à l'attitude différente de l'Église officielle face à un prêtre réduit à l'état laïc, par contraste avec les personne divorcées-remariées : l'un peut communier, mais pas les autres. Dans les deux cas, n'y a-t-il pas eu échec d'une première vocation? Et que doit-on attendre de l'Église, une stricte application de la loi, juridique, ou une attitude résolument pastorale, qui consisterait à accueillir l'échec?

            Un autre exemple, abordé par un autre groupe, est la question des personnes homosexuelles, particulièrement à l'occasion du vote de la loi autorisant le mariage pour tous. Je cite : "Nous avons ressenti dans notre équipe que chacun n'est pas dénué d'a priori, de représentations, de convictions…; mais catholiques, nous avons surtout mal vécu la mobilisation de la rue catholique pendant toute cette période…; une rue catholique identitaire, fière de ses convictions et de sa visibilité bruyamment exposées[...] sûre de sa mission salvatrice d'un monde égaré, et de fait en connivence avec les droites extrêmes. Nous avons vite vu que nous n'en voulions pas, que nous ne pouvions à aucun prix être de ce bord ni être suspectés de le cautionner". Là encore, écart entre la position affichée par l'Église officielle, en particulier dans certains diocèses et reprise par certains catholiques, et la réaffirmation des valeurs et convictions de CdEP.

            On retrouve dans une autre contribution cette défiance envers des positions catholiques sûres d'elles-mêmes, ainsi "les familles chrétiennes dans la norme ne m'intéressent que si je peux les ouvrir à la compréhension de ceux qui ne sont pas dans la norme!"

            Une autre équipe, celle de Tours, précise : "On se construit tous dans le bancal".

            D'où le rappel du texte du Vatican : "nous devons aider chaque famille comme elle est".

Pouvons-nous entendre ce conseil comme d'abord une référence à la miséricorde de Dieu. Jésus nous aime tel qu'on est, avec notre part d'ombre et de lumière. N'a-t-il pas dit :"je ne suis pas venu pour les bien-portants, mais pour les pêcheurs"? Nous pouvons voir là un appel à inventer, et d'abord à "accueillir ces nouvelles manières de vivre en famille".

            On retrouve cette notion de différence entre les réalités vécues par les familles, elles-mêmes dans une grande diversité : familles sûres d'elles-mêmes et de leurs valeurs, ou familles fragilisées, familles en souffrance.

            Enfin, une troisième différence, abordée par des groupes d'âge plus mûr, est la différence entre ce monde d'aujourd'hui, et ce que nous avons vécu autrefois. Et là, contrairement à ce qu'on aurait peut-être attendu, il ne s'agit pas de déplorer le monde d'aujourd'hui, mais d'y trouver des raisons d'espérer, "dégager certains aspects des temps nouveaux qui ne sont pas négatifs".

            Ainsi, du fait de la cohabitation, ou concubinage, "le mariage n'est plus vu comme un commencement; il est un aboutissement, une expérience de vie commune qui permet aux deux personnes de décider si elle se sentent suffisamment fortes pour s'engager plus loin; le sens du mariage a évolué et l'Église doit en tenir compte". On trouvera ailleurs des propositions pour permettre de réfléchir à cet engagement, de le renforcer.

 

            Éducation/transmission

             Ce thème se retrouve dans de nombreuses contributions, à la fois parce que la famille est le lieu d'unité, de transmission, et d'hospitalité, et bien sûr, parce que CdEP regroupe des personnels de l'Enseignement public, donc la transmission et l'éducation sont notre socle humain et professionnel.

            Un premier constat. Nombreuses sont les générations qui se sont éloignées de l'Église, du fait de l'application "d'un légalisme rassurant, mais pouvant conduire à la sclérose et à la culpabilisation. Les générations plus jeunes, qui ne sont pas encombrées de cette tradition vieillie, peuvent percevoir la parole d'Église de façon plus positive". Il y a là tout un chantier à mettre en oeuvre dans les mouvements et associations comme dans les paroisses.

            Un autre aspect concerne le rapport des familles à l'institution qu'est l'Église mais qu'est aussi l'école. Si nous partons de la vie dans l'école, notre milieu de vie, nous affirmons que le dialogue est fondamental. A partir de là, les réalités évoquées entre familles et école sont valables pour les relations entre familles et Église; le groupe de Marseille en tire quelques conséquences et propositions :

            - l'importance de l'accueil, allant jusqu'à l'accomplissement; oser se mettre dans une autre logique que celle du droit canon pour permettre à chacun, en lui faisant confiance, d'aller vers sa vérité.

            - ne pas craindre le dialogue, jusqu'à la confrontation. Comme nous l'avons déjà pointé dans la première partie, le langage de l'Église officielle sur la famille est à des années-lumière des pratiques des couples chrétiens, ainsi sur la notion d'"ouverture à la vie".

            - la très grande diversité des familles doit être perçue comme une chance "un peu comme il y a quatre évangiles. Parce qu'il n'y a pas un modèle unique de transmission, les familles vont devoir s'ajuster entre elles, et l'Église doit favoriser ce processus : il y a une dynamique dans la rencontre des familles entre elles, l'évangélisation est une réalité profondément horizontale".

            Enfin, là encore pour cet enjeu de la transmission, il faut oser proposer, inventer; un autre exemple : quel accueil aux demandes de sacrements des couples? L'équipe ardennaise répond : "Il ne s'agit pas de donner à la légère des sacrements qui seraient "bradés" à la demande. Mais il ne faut pas faire prendre solennellement des engagements dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas tenus, ainsi pour inscrire l'enfant au caté quand on sait que le contexte social le rendra difficile : on pourrait admettre que l'engagement à l'éducation religieuse puisse prendre d'autres formes que la seule présence au catéchisme".

            En fait, nous rappelle-t-on de Lyon," l'Évangile fait vivre. Il n'est pas seulement promesse de Vie Éternelle mais il donne des clés pour le "vivre ensemble". C'est cela que l'on doit transmettre aujourd'hui aux enfants : la joie de l'Évangile qui donne sens à la vie.", les enfants dont le groupe de Tours insiste sur leur place, au coeur de chacune de ces familles aussi diverses soient-elles.

 

Moins de normes et plus d'incitation à la responsabilité

            En conclusion, "nous avons bien conscience de nous inscrire dans une longue histoire collective. Notre espérance est qu'elle poursuive sa route toujours neuve".

            Pour cela tous les groupes insistent sur la nécessité de proposer, d'inventer, de s'appuyer sur une pédagogie du projet. Comme pour l'ouverture à la vie citée ci-dessus, "il faudrait moins de normes et plus d'incitation à la responsabilité".

            J'emprunte la dernière phrase au groupe de Marseille A chacun de prendre ses responsabilités pour que l'évangélisation soit vraiment conçue comme un dialogue : le Christ lui-même a scruté le coeur des hommes et les a amenés par un dialogue vraiment humain à la lumière divine; de même ses disciples , profondément pénétrés de l'Esprit du Christ, doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu'eux aussi apprennent dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses, Dieu dans sa munificence, a dispensées aux nations... (Ad Gentes §11)

J. X.B., Anger le 5 Juillet 2015.

CdEP, secretariat@cdep-asso.fr