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mardi, 30 juillet 2013 00:00

Témoignage : équipes de débutants, 1952-1954

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La vie concrète des institutrices chrétiennes dans l'École laïque des années 50, et comment les Équipes Enseignantes essayaient de les soutenir...

A la rentrée scolaire de 1952, nous avons pris la suite de Geneviève Coquillon pour animer et développer les Équipes de débutants. Nous sommes devenues permanentes et avons rejoint rue Lacoste, l’Équipe du centre composée alors du Père Duclercq, d’Hélène Prouët et de Renée Prévost.

Si les préoccupations des équipiers, célibataires ou foyers, ayant atteint  la trentaine ou plus, s’étaient éloignées de celles de leurs collègues commençant leur carrière et avaient imposé la création d’Équipes spécifiques pour ces derniers, nous avons continué à suivre les intuitions du Père Duclercq mises en œuvre depuis 10 ans dans les Équipes Enseignantes, mais le Père nous a laissé totale liberté dans l’organisation de notre travail.

Comme celles de leurs aînés ces Équipes se voulaient être des communautés fraternelles de croyants en Jésus-Christ, s’engageant à s’entraider dans plusieurs domaines :

- nourrir leur foi au Dieu Vivant par une recherche biblique et liturgique.

- porter un regard chrétien sur leur vie quotidienne, principalement sur leur condition enseignante, pour essayer de les vivre dans la foi.

- poursuivre les découvertes culturelles du temps de leurs études.

Cette entraide se réalisait surtout à la rencontre mensuelle et ce par un partage des découvertes faites par chacun dans son travail personnel au long du mois et des interrogations que ce dernier avait soulevées.

Pour ce faire furent mis à leur disposition :

- des plans d’étude religieuse comme de Joseph Dheilly A la découverte de la Bible, d’Henri Jenny Le mystère chrétien dans le déroulement de l’année liturgique, de Dom Gaillard Les solennités pascales etc…

- des articles parus dans Vie Enseignante, pour maintenir leur vitalité intellectuelle et faciliter les échanges, par exemple l’œuvre de Camus de Rambert George, l’Art abstrait de Jacques Gabin, Bernanos de Rogers Pons, Dostoievski etc...

Nous revint la tâche de rédiger les plans « Problèmes de vie » avec l’aide ponctuelle de tel ou tel aumônier en charge de débutants, en attendant l’aide permanente du Père Bossuyt en 1954.


Voici, parmi d’autres, quelques thèmes qui furent proposés :

-       Dans notre poste, notre organisation matérielle.

-       Relations avec nos élèves.

-       Relations avec nos collègues

-       Comment poursuivre notre culture intellectuelle ?

-       Notre vocation : mariage ou célibat...

La prière faisait aussi partie intégrante de cette journée mensuelle : prière spontanée de tel ou tel après un échange, Eucharistie célébrée en Français par l’aumônier, liturgie participative vivante et joyeuse.

La vie d’Équipe apparut bientôt vitale à beaucoup de débutants et ce d’autant que, très vite, surtout les collègues nommés dans les villages ou les bourgs de certaines régions y découvraient deux mondes. Bien que certains aient réfléchi aux JU de Bordeaux de 1950 sur les valeurs communes d’une éducation nationale, qu’ils aient entendu Pie XII reconnaître à celles de Rome en 1951, la beauté de la tâche des membres catholiques de l’enseignement public de France, la réalité quotidienne leur révélait l’existence de deux mondes parfois hostiles, du moins rivaux et méfiants. Le monde  laïque autour de l’école publique et de ses œuvres péri et post – scolaires faisait face au monde catholique autour de Mr le Curé avec ou non une école libre sur place. Leur jeunesse rendait plus difficile l’affirmation de leur double loyauté envers l’Église et envers l’école. Suspectés de noyautage par certains de leurs collègues, stigmatisés comme chrétiens de seconde zone par des paroissiens, ils se sentaient souvent tiraillés. En Bretagne, par exemple, des suppléantes signalées par un aumônier de la Paroisse universitaire comme élevées dans la foi catholique, se taisaient ; une institutrice qui avait conservé son livre de messe le cachait. Des villageois qui cultivaient des légumes, élevaient des poules, des lapins, ramassaient des œufs, refusaient souvent d’en vendre aux enseignants de l’école laïque. En chaire, dans cette région mais aussi dans d’autres, les prêtres rappelaient régulièrement aux parents le devoir d’envoyer leurs enfants à l’école libre et non à l’école laïque et aux élections invitaient leurs fidèles à voter  pour un candidat défendant l’école libre. Parfois de jeunes collègues pratiquants s’étaient même vus refuser la communion.

L’Équipe locale leur permettait d’exprimer leur malaise, de confronter leur expérience avec d’autres, mais les réunions plus larges au niveau régional et national auxquelles ils étaient invités leur proposaient toujours  une réflexion plus poussée sur quelques thèmes comme l’autonomie de la culture, le sens d’un service dans l’éducation nationale, la valeur positive de la laïcité pour la liberté de l’acte de foi… thèmes qui fondaient la compatibilité entre leur appartenance à l’Église et leur appartenance à l’école publique. Ils doivent beaucoup dans ces domaines au Père Duclercq, aux aumôniers et théologiens judicieusement choisis par lui, aux rapporteurs des JU, sans lesquels ils auraient peut-être quitté l’Église à cette époque.

En s’enracinant peu à peu dans le milieu enseignant primaire, ces jeunes découvraient, au-delà d’un certain sectarisme, toute la richesse humaine de maîtres honnêtes, généreux, épris de justice et de fraternité, totalement dévoués à leurs élèves, parmi lesquels ceux qui contestaient véhémentement l’Église le faisaient souvent davantage au nom de l’homme, du respect de la liberté de conscience, qu’au nom de la foi elle-même. Ces jeunes enseignants chrétiens se disaient que leur Dieu qui s’était fait homme par amour ne pouvait être étranger à ce monde là, à cette école que certains appelaient pourtant « l’école sans Dieu » ou « l’école du diable ».

Si elles s’avéraient vitales, les Équipes n’étaient pas connues de nombre de jeunes collègues isolés. S’imposa donc la nécessité de les informer de leur existence. Nous avons partagé la France en deux et nous sommes rendues chacune dans « nos » départements, sillonnant leurs routes à bicyclette ou en mobylette pour rendre visite dans leur poste aux débutants qui nous étaient signalés comme chrétiens par des prêtres, des équipiers ou des membres de la PU et ce dans un esprit de service et non de racolage ou de recrutement. Nous avons parfois été  bouleversées par les conditions matérielles dans lesquelles vivaient certains. Dans les Alpes par exemple, une classe unique sans poêle avec des écoliers très pauvres, jouxtait l’étable, pour en recevoir un peu de chaleur. En altitude, il arrivait que des jeunes enseignants n’aient aucun élève pendant plusieurs semaines, les chemins étant impraticables. L’Ecole Normale les avait pourvus à leur sortie d’un transistor. Dans la Loire des suppléantes faisaient du stop pour retrouver des collègues et sortir de leur isolement.

Il nous fut plus facile de prendre contact avec les ex-normaliens qu’avec les suppléants. L’abbé Duclercq avait en effet créé en 1949 la commission normalienne et ainsi pris en charge les écoles normales primaires de filles et de garçons  à la suite de l’abbé Dutil, aumônier de la JECF dont les « élèves maîtresses chrétiennes » avaient fait partie. Cette commission - composée de normaliens franciliens - confiée au père Angénieux puis  après son décès en 1950, au père Perrin, se réunissait alors chaque mois 84 rue d’Assas. Sa tâche était de correspondre avec les normaliens chrétiens de toute la France, de les inviter à des rencontres régionales ou nationales organisées par les Équipes Enseignantes, au pèlerinage de Chartres (celui de 1949 avec Jean Dumont), aux Journées Universitaires, mais également de les soutenir  dans la création et l’animation de communautés normaliennes dont les membres se retrouvaient avec un prêtre dans leur temps libre, en dehors de l’EN. C’est dire que ces ex-normaliens étaient tout prêts à faire Équipe quand ils commençaient à enseigner.

Quarante Équipes de débutants existaient en 1954.

Nous nous étions aperçues que les instituteurs débutants posaient des questions embarrassantes que nous n’avions pas suffisamment prises en compte jusque là : adhésion on non à un syndicat, lequel, comment le choisir ? Vote comme citoyen pour tel ou tel parti ? Perception des chrétiens par ces institutions ? Sectarisme ?... Il fallait pouvoir répondre à de telles questions.

Aussi, c’est Jean-Pierre Reynaud et Roger Mercier qui devinrent permanents à la rentrée scolaire 1954 quand Monique reprit l’enseignement. Les Équipes ont ensuite continué à porter une attention particulière aux enseignants commençant leur carrière, à les soutenir de façon spécifique et à leur donner la parole dans les revues nationales.

Cécile Gendron et Monique Aubry. Novembre 2012.

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